Musiques en Bretagne
Gwerz
La gwerz bretonne
C’est par ces différences
géographiques que les premiers collecteurs
officiels du XIX° siècle, Théodore Hersart de la Villemarqué
en premier, mais également François Marie Luzel ou Anatole
le Braz, pour ne citer qu’eux, furent surpris par certaines gwerzioù.
Les Vêpres des Grenouilles ou Les Séries survécurent,
essentiellement grâce à leurs dispersions, et aux nombreuses variantes, que l’éloignement
du bassin d’origine provoquait et qui finalement la conservèrent. L’étude de Jean-Jacques
Boidron sur ce thème, outre sa richesse et son grand intérêt, permet
de comprendre l’héritage actuel de ce patrimoine (in Gousperoù ar Raned
ha Gouspered ar Rannoù, Jean-jacques Boidron, Coop
Breizh).
Au cours des siècles, de très nombreuses gwerzioù furent écrites,
transmises, dispersées. Et à chaque fois, des variantes furent créées pouvant
parfois remplacer l’original, disparu entre temps. Entre le IV° et VI° siècle
de notre ère, lors de la « grande invasion », ou de la colonisation de l’Armorique
par les bretons de Grande-Bretagne, de nombreuses gwerzioù,
descendantes des épopées celtiques furent christianisées
et, souvent, leur sens premier fut masqué par un maquillage religieux peu homogène.
C’est ainsi que certaines gwerzioù en ont perdu jusqu’à leur
sens premier pour devenir autre. C’est le cas des Séries, texte
très ancien qui aurait subit "des dégâts" lors de sa christianisation
ou de la gwerz KerYs, dont l’objet ne semble plus correspondre
à la volonté de départ. Cette dernière gwerz, racontant les
péripéties de Dahut et de son père, le Roi Gradlon
de Cornouaille et de l’intervention de l’ecclésiastique
Gwenole, semble détournée de son sens profond, qui pourrait,
de manière bien plus poétique, témoigner de la fin de l’Armorique,
et de l’avènement de la Bretagne, comme nouvel élément politique,
ethnique et social. En effet, lors de cette transformation de deux siècles,
les Armoricains, non chrétiens furent submergés en nombre par
les bretons de Galles fuyant l’avancée anglo-saxonne,
et les nouveaux colons importèrent leur religion, leurs traditions,
héritières de l’empire chrétien de Rome et de leurs
origines celtiques insulaires et taxèrent de païens,
bien évidement, les tenants pourchassés de l’ancienne religion interdite. La
fin des druides et bardes armoricains
se produisit entre les VI° et VII° siècles de notre ère (voir également la Prophétie
de Gwench’lan).
La gwerz reste aujourd’hui l’un des vecteurs les plus usités
pour la promotion de la musique bretonne, tant par sa musicalité
que par l’émotion qu’elle dégage, même si sa portée symbolique
n’est désormais plus comprise de ses auditeurs.
Jeremie Pierre JOUAN
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